EXPOSITION
L'exposition |
Du 15 mars au 11 novembre
En 2003, Stéphan Gladieu est parti à la rencontre des Harkis et de leurs familles. Il a ramené des images inédites sur leur quotidien discret et une série de portraits-témoignages qui libèrent une parole trop longtemps retenue. Ces documents sont les seuls à s'être attachés, avec le temps et l'ouverture nécessaires, à l'existence de ces parias de l'indépendance algérienne, dont les enfants sont devenus des citoyens français à part entière.
Un témoignage et une série de photographies précieux pour la mémoire collective. Les derniers combattants harkis s'éteignent peu à peu et leur histoire avec eux.
C'est en quelque sorte un « devoir de regard » que nous propose le photographe. Regarder les Harkis, leurs épouses, leurs enfants, oser porter nos yeux sur une page tortueuse et peu glorieuse de notre histoire. Une manière de leur rendre un droit d'exister, de ne plus se sentir les fantômes de notre orgueil national, une manière de balayer la route qui s'offre aux descendants de ces familles déchirées.
Texte d’Isabelle Fougère, journaliste
« J'ai découvert le mot Harkis en 1991, lors de manifestations mouvementées. Jamais auparavant je ne l'avais entendu si fort. C'était un mot qui se murmurait. Jour après jour, on nous montrait une communauté exilée, meurtrie, oubliée. Et puis soudain, plus rien...
J'ai compris au fil du temps que la guerre d'Algérie restait une blessure profonde dans l'inconscient collectif. Les Harkis sont au coeur de cette tragédie. Ils en sont les acteurs et les victimes. J'ai voulu aller à leur rencontre pour partager leur vie quotidienne et leur donner enfin la parole. Le chemin a été douloureux, incertain et parfois amer. Je me suis d'abord heurté à l'incompréhension polie des Français de souche qui ne comprenaient pas pourquoi je m'intéressais, aujourd'hui, après le 11 septembre, à ceux qu'ils préféreraient peut-être oublier.
« J'ai voulu aller à leur rencontre pour partager leur vie quotidienne et leur donner enfin la parole »
Je me suis aussi heurté à l'incompréhension des Harkis eux-mêmes. Ce n'était pas un rejet, mais de la méfiance. Parfois même, de la peur, celle d'être rattrapé par un passé trop douloureux, qui aujourd'hui encore semble les menacer.
Et puis doucement, une main m'invitait à braver la pénombre de leurs foyers. Ici, ces Terriens du soleil vivent les volets fermés, depuis qu'ils ont connu la promiscuité des camps dans lesquels la France les a parqués des années. Ces camps clos par des barbelés, gardés jours et nuit, étaient installés dans des régions isolées. Les familles s'entassaient dans 9 mètres carrés, partageant chaque espace avec les voisins. Aujourd'hui encore, il leur est difficile d'ouvrir les volets, de s'ouvrir à un monde qui les a tant cachés et rejetés.
« Aujourd'hui encore, il leur est difficile d'ouvrir les volets, de s'ouvrir à un monde qui les a tant cachés et rejetés »
Après m'avoir permis de laisser entrer la lumière, l'accueil s'avérait chaleureux et amical. Le flot de paroles et la réelle volonté de s'approprier leur image à travers mon objectif dévoilait leur soif de témoigner. A ma grande surprise, ce sont les femmes qui prenaient la parole. Les hommes, eux, sont las de cette Histoire qui ne leur a apporté que quelques médailles en fer et beaucoup de souffrance. »
Stéphan Gladieu, photoreporter
Photos de Stéphan Gladieu